Rav Its’hak Yossef
Cours hebdomadaire du Richon Létsion HaRav Its’hak Yossef –
Lois du Omer 4
Dans les cours précédents, nous avons développé le fait que notre coutume est de laisser l’officiant dire la bénédiction et le compte du Omer, et ensuite les fidèles. Et ce, afin que les fidèles ne s’embrouillent pas. Par cette coutume on ne craint pas que les fidèles se rendent quittes par le compte de l’officiant, car ils pensent, justement, à ne pas se rendre quittes. Même s’ils n’y pensent pas explicitement, étant donné que l’habitude chez tout le monde est de compter à la suite de l’officiant, par ce fait leur compte qui suivra démontrera bien leur intention de ne pas se rendre quittes.
(Vous pouvez retrouver quelques-uns des paragraphes suivant dans la Parachat A’harei Mot Kedochim du livre Beth Maran année 5778)
Il est rapporté dans le traité Menahoth (65b) selon le verset (Vayikrah 23, 15) : « Et vous compterez pour vous… », que chacun de nous doit compter. Ce qui n’est pas le cas du compte des années du Yovél (50 ans) ou bien des années précédant la Chemita. En effet, le verset qui les concerne précise : « tu compteras ». Ce compte concerne le Beth Din et non chacun de nous. Mais, pour le Omer, le verset est similaire à celui concernant la Mitsva de se procurer les quatre espèces, pour la fête de Souccot. En effet, le verset dit (Vayikrah 23, 40) : « Vous prendrez pour vous… », chacun de nous doit se procurer ces quatre espèces. À partir de là, nous pouvons comprendre que chacun doit compter pour lui-même le Omer.
Se rendre quitte – Chomé’a Ké’oné, l’avis du Magen Avraham
(La loi de Chomé’a Ké’oné est qu’une personne peut se rendre quitte par une tierce personne, Chomé’a l’écoute, Ké’oné c’est comme répondre. C’est-à-dire que la personne qui écoute la Berakha en pensant à se rendre quitte, sera acquittée comme si elle-même avait fait la bénédiction)
Le Magen Avraham (Siman 489 alinéa 2) reste dans le doute en ce qui concerne le fait de se rendre quitte par l’officiant : la loi de Chomé’a Ké’oné existe-t-elle pour le Omer ? Le verset précise bien que chacun doit compter ? Le Beth Yossef rapporte au nom de la Tchouvath Harachba (Siman 458) que l’officiant peut effectivement rendre quitte les fidèles. Fin de citation. Mais celui qui approfondit bien dans les mots de la Tchouvath Harachba, comprendra que ce que l’auteur a voulu nous apprendre est uniquement sur la Berakha du Omer, l’officiant peut dire la Berakha et rendre quitte les fidèles (s’ils pensent à se rendre quittes et que l’officiant pense à acquitter). Mais, suite à la Berakha, chacun doit compter pour soi. Le ‘Hok Yaakov (Siman 489 alinéa 4) rapporte au nom du Haagouda (traité Ménahot Siman 32) qu’effectivement selon le verset, nous apprenons bien, que tout un chacun de compter, et que l’on ne peut pas se rendre quitte. Dans toutes les Mitsvot la loi de Chomé’a Ké’oné peut être utilisée, comme pour le Kiddoush, la Havdala ou bien la lecture de la Méguila. Mais pour ce qui est du compte du Omer, c’est différent.
La loi de Chomé’a Ké’oné – le statut d’une parole ou non
La loi de Chomé’a Ké’oné dépend d’une discussion entre Rachi (Traité Souccah 38b alinéa Hou Omer baroukh) et de ses petits-enfants, le Ri et Rabbénou Tam (Traité Berakhot 21b et Souccah 38b alinéa Chama). Comme nous le savons, il est défendu, durant la Amida, de répondre à quoi que ce soit, même un Kadich ou une Kédoucha. Mais, qu’en est-il d’une personne se trouvant dans sa Amida et entendant la Kédoucha par exemple, peut-elle arrêter sa Amida, ne rien dire et penser à se rendre quitte ? Selon Rachi, la personne aura le droit de se comporter de la sorte, et ainsi pourra se rendre quitte en tant que Chomé’a Ké’oné. Mais le Ri et Rabbénou Tam contredisent cet avis. En effet, selon cet avis, une personne se rendant quitte par la loi de Chomé’a Ké’oné, c’est comme si elle-même disait, et donc ce à quoi la personne se rend quitte, prend le statut d’une parole. Il s’agira donc d’une interruption au même titre que si elle-même avait répondu à cette Kédoucha. Mais selon Rachi, le statut d’une personne se rendant quitte par Chomé’a Ké’oné garde le titre d’un simple écouté et non pas d’une parole.
De par cette explication, nous pouvons mieux comprendre le doute du Magen Avraham : si on considère le Chomé’a Ké’oné comme prenant le statut d’une parole, il nous sera permis de nous rendre quittes du compte du Omer par l’officiant. Ce qui n’est pas le cas, si on considère la loi de Chomé’a Ké’oné comme l’avis de Rachi.
Répondre Amen
Il est rapporté dans le Rambam (Chap.1 lois de Berakhot Halakha 11) en ces termes : toute personne écoutant une bénédiction du début à la fin et pense à s’acquitter, sera quitte, et toute personne répondant « Amen » à une Berakha prendra le même statut que celui qui a fait la Berakha (en d’autres termes, il sera quitte). Fin de citation. Le Kessef Mishné s’interroge : Pourquoi le Rambam rajoute « et toute personne, etc.», la personne se rend quitte même sans répondre « Amen » ? Nous pouvons comprendre selon ce que nous avons développé précédemment : la personne se rend quitte uniquement en pensant à s’acquitter, car elle l’a simplement écouté (comme l’explication de Rachi sur Chomé’a Ké’oné), mais en répondant « Amen », la personne se rend quitte par la parole.
On peut donc, par ce développement comprendre le doute du Magen Avraham : est-ce que l’on considère la règle de Chomé’a Ké’oné pour le compte du Omer, alors que tout un chacun de dire soi-même le compte ? Si on se tient sur l’avis du Ri et de Rabbénou Tam (rapporté plus haut[1]), une personne peut se rendre quitte par une tierce personne. Alors que selon l’avis de Rachi, la personne ne pourra pas se rendre quitte du compte du Omer.
L’avis du Choulhan Aroukh
Récapitulons : nous avons un doute si la loi de Chomé’a Ké’oné prend le statut d’une parole, comme si la personne qui écoute, avait elle-même dit la Berakha. Et donc, nous pourrons considérer le fait qu’un officiant puisse rendre quittes les fidèles du compte du Omer (car le verset est explicite « pour vous » tout un chacun de compter). Ou bien si cette loi prend uniquement le statut d’une personne écoutant et se rendant quitte simplement par cela. Par extension, un officiant ne pourra pas rendre quittes les fidèles du compte du Omer.
Il est rapporté dans plusieurs endroits distincts du Choulhan Aroukh, que son avis penche comme les Tossafot (prenant le titre d’une parole). En effet, dans les lois de la lecture de la Méguila (Siman 690 Halakha 3) le Choulhan Aroukh tranche qu’une personne lisant la Méguila par cœur, ne se rend pas quitte de la Mitsva. En effet, selon le verset, la Méguila doit être lue sur du parchemin, avec sa bouche et non pas par cœur. Mais alors, comment peut-elle se rendre quitte par l’officiant, elle ne prononce rien ? De là, nous apprenons que selon le Choulhan Aroukh, une personne se rendant quitte c’est comme si elle-même lisait la Méguila. De même en ce qui concerne la Mitsva de lire les dix fils d’Aman d’un seul souffle, le public se rend quitte par l’officiant, sans demander que chacun arrête sa respiration lorsque l’officiant les lit. De même en ce qui concerne le Kiddoush. Il est rapporté dans le verset « Zakhor éth yom Hachabbat », « souviens-toi du jour de Chabbat ». Nos Sages enseignèrent du verset, que l’on doit se souvenir avec la parole : en disant le Kiddoush. Comment se rendre quitte du Kiddoush par le maître de maison ? On voit donc que le statut d’une personne se rendant quitte, intervient si lui-même disait le Kiddoush. Sur ce, nous pouvons apprendre du Choulhan Aroukh, que la loi de Chomé’a Ké’oné prend, pour la personne se rendant quitte, le statut d’une parole : comme si elle-même disait et accomplissait cette Mitsva.
Une interruption
Si tel est l’avis du Choulhan Aroukh, comment lui-même peut-il trancher qu’une personne se trouvant dans sa Amida, pourra se rendre quitte d’une Kédoucha, en se taisant et en pensant à se rendre quitte ? N’est-ce pas considéré comme une interruption (sachant que cette personne sera au même titre qu’une personne l’ayant lui-même dit. Voir plus haut ce que nous avons expliqué) ? Nous pouvons expliquer, que même dans ce cas-là, il ne s’agira pas d’une interruption, car le fait est, que la personne n’a sorti aucun mot de sa bouche. De plus, nous pouvons ajouter, comme ce qui est rapporté dans le traité Kiddouchine (40a) « une bonne pensée, Hachem la fusionne à un acte, mais une mauvaise parole, il ne l’associe pas ». Pour expliquer, dans notre cas, la personne se rend quitte de la Kédoucha, par le fait qu’elle ait eu cette bonne pensée, celle de se rendre quitte. Hachem la fusionne et la considère comme un acte, comme si lui-même répondait à cette Kédoucha. Mais de là considérer sa pensée comme une interruption, Hachem ne l’associe pas, il ne considère pas cela.
Une personne ayant omis un jour
Une personne ayant omis de compter un jour, selon le Baal Halakhot Guedolot, la personne n’a plus la possibilité de dire la Berakha. Ainsi, elle comptera sans Berakha[2], Ou bien, elle pourra se rendre quitte par une tierce personne qui pensera à la rendre quitte. Tel est l’avis du Or Zaroua[3], du Raavaya[4]. Ce qui n’est pas l’avis des Tossafot dans le traité Mena’hot[5] ainsi que de la plupart des Rishonim.
En journée
Une personne ayant omis de compter le soir, peut se rattraper en journée. Le Baal Halakhot Guedolot ajoute, qu’en journée il peut compter même avec Berakha. Tel est l’avis de Rabbi Yishaya Matarani, et du Ri Ben Guéath. On peut rapporter une preuve à leur opinion, selon ce qui est enseigné dans le traité Menahoth[6] que la Mitsva de récolter le Omer (au temps du Beth Hamikdash) était le soir et si cela avait été fait en journée, la personne avait quand même accompli la Mitsva. De là on peut donc apprendre, que le compte du Omer peut être dit en journée même avec Berakha.
Cependant, Rabbénou Tam ne partage pas cette opinion et pense, que la personne peut certes se rattraper en journée si elle a oublié de compter le soir, mais uniquement sans Berakha (le soir, elle pourra continuer le compte avec Berakha). Tel est l’avis du Rosh[7], de Rabbénou Yishaya Harishone[8], du Chiboulé Halékét[9], du Raavia[10], du Maharam MiRottenbourg[11], du Troumat Hadéshéne[12] et de cette façon le Choulhan Aroukh[13] tient la Halakha.
Un jour ou premier jour ?
Le Rav Saadia Gaon, ainsi que le Rav Yehoudaei Gaon pensent qu’une personne ayant omis de compter le 1er jour du Omer, ne pourra plus compter avec Berakha les autres jours. En revanche, une personne ayant omis de compter un des jours du Omer (excluant le premier jour), pourra continuer de compter avec Berakha.
En réalité, cette distinction se révèle être la différence d’énonciation des propos tenus par le Baal Hakahot Guedolot : « S’il a omis de compter Yom Alef », on peut autant comprendre « 1 jour », comme « le premier jour ». Le Troumat Hadeshen pense que même s’il a omis un des autres jours du Omer, il ne pourra plus continuer à compter avec Berakha.
Il est difficile de savoir trancher dans un tel cas, mais on dira simplement, étant donné qu’il s’agit d’un doute sur une Berakha (si elle doit être dite ou pas), on sera plus souple et on ne la dira pas[14].
En cas de doute
Dans le cas où la personne doute si elle a compté la veille ou pas, pourra continuer à compter normalement même avec Berakha. En effet, nous nous appuyons sur le fait qu’il y a deux doutes dans ce cas-là : 1) Il est possible que la personne en question ait bien compté la veille. 2) Il se peut que la Halakha soit comme la plupart des Richonim considérant que chaque jour du Omer est une Mitsva à part entière (et donc, même en ayant omis un jour, on continue de faire la bénédiction, selon cet avis). De même pour une personne qui a omis de compter le soir et a compté le matin : elle continuera à compter avec Berakha.
Le Pri Hadash n’est pas d’accord avec le second cas (omis de compter le soir et compta le matin). En effet, il se peut que le Pri Hadash ne tienne pas cet avis, car selon lui, les deux doutes (Sfeikot) ne doivent pas être uniquement des doutes sur une discussion des Poskim (ce qui est le cas dans notre sujet). Cependant, même si le Pri Hadash tranche de cette manière, la Halakha n’est tenue que par le Choulhan Aroukh. Ainsi donc, on pourra continuer à compter même avec Berakha les autres soirs (en cas de doute si la personne a compté).
Le Maharival ainsi que le Maharit sont du même avis que le Pri Hadash. A contrario, le Hikrei Lev au nom de son fils, le Knesset Hagola au nom du Maharival lui-même, le Maharil Elachkar, le Chvout Yaakov, Rabbi Abdalla Somekh dans son livre Ziv’hé Tsedek[15] pensent que l’on peut faire un Sfeik Sfeika même si les deux Sfeikot sont basés sur des discussions Halakhiques dans les Poskim.
Se rappeler à Ben Hashmashot !
Une personne qui se souvient de son omission le lendemain alors qu’elle se trouvait durant la période de Ben Hashmashot (période séparant le coucher du soleil à la sortie des étoiles. Ce lapse de temps est décrit par nos sages comme étant un doute s’il s’agit du jour ou de la nuit), pourra compter le jour précédent sans Berakha et ainsi continuer les jours suivant à compter avec Berakha. Cependant, si une personne se souvient de son omission après la sortie des étoiles le lendemain, même si selon Rabbénou Tam, l’heure de la sortie des étoiles est plus tard, on ne pourra plus se rattraper. A partir de ce moment-là, la personne continuera à compter sans Berakha.
Un officiant qui a omis de compter
Il est intéressant de développer le cas d’une personne ayant omis de compter le jour précédent (ou bien un autre jour) et qui monte en tant qu’officiant. Ou encore le cas où un grand Rav est lui-même sollicité à réciter la bénédiction du Omer à voix haute : comment peut-il faire ? (Rappel : une personne ayant omis de compter un jour complet, ne pourra plus continuer à compter avec Berakha). Il est rapporté dans le livre Har Tsvi (Orah Haim Vol.2 Siman 75) une histoire s’étant déroulée avec le Gaon Harav Yossef Dov Halévy miBrisk : une fois, il omit de compter le Omer. Que faire ? Le Har Tsvi de répondre que dans un tel cas, l’officiant demandera à un fidèle de ne pas faire la Berakha, et ainsi, l’officiant pourra dire cette Berakha en pensant à acquitter le fidèle en question. Tel est l’avis du Gaon Harav Chlomo Zalman Auerbach dans son libre Halikhot Chelomo[16].
Discussion entre le Talmud Bavli et Yerouchalmi
Le Talmud Yerouchalmi[17] précise qu’un homme s’étant rendu quitte de la lecture de la Méguila le 14 Adar, ne peut rendre quitte ceux qui sont obligés d’accomplir cette Mitsva le 15. Ainsi, une personne ayant omis de compter un jour, ne peut pas faire la Berakha pour quelqu’un d’autre.
Et pourtant, il est enseigné dans la Guemara[18] que même si une personne s’est déjà rendue quitte d’une Mitsva, elle pourra rendre quitte une autre personne. Même chose dans le traité Méguila[19] en ce qui concerne la lecture de la Méguila, car Rachi sur place explique qu’un officiant qui habite dans la ville (lue le 15) peut rendre quitte une communauté des campagnes (lisant le 11, 12 ou 13 Adar). On voit donc, que le Talmud Bavli contredit l’avis du Yerouchalmi.
L’avis des A’haronim
Mais certains sont d’avis contraire. En effet, cette interrogation a déjà été soulevée par des A’haronim, comme le Responsa Beth David (Orah Haim Siman 267) il y a de cela près de 300 ans, ainsi que par le Responsa Knesset Hagdola[20] au nom des Sages de Salonique pensant qu’il peut rendre quitte. Mais le Knesset Hagdola lui-même est d’avis contraire. Pri Hadach (décédé il y a 320 ans) (Siman 489), lesquels pensent, qu’un tel officiant ne pourra pas rendre quitte son ami en lui disant la Berakha. Richone Letzion Rabbi Yossef Hazan dans son livre Hikrei lev (Orah Haim, Siman 45 p.78b), du Hida (Siman 489 alinéa 19), du Chalmei Tsibour (Rabbi Yaakov Israel Elgazi), du Kisse Eliahou (Rabbi Eliahou Israel), du Mikhtam Ledavid Pardo, du Nahar Chalom Vintoura, et du Siddour Beth Oved (Rabbi Yehouda Ashkenazi). Tous pensent, qu’une personne qui ne peut pas compter, ne peut pas rendre quitte une autre personne. Cependant, le Richon Letzion[21] Maara’m ben ‘Haviv (Orah Haim Kllal 1 Siman 13 p.7b) pense que la personne n’étant pas concernée par la Mitsva pourra rendre quitte une autre personne.
Cependant, selon le livre Mikraé Kodech (p.181b), écrit par Rabbi Haim Aboul’afia, une personne ayant omis de compter le Omer, pourra rendre quitte d’autres personnes. Tel est l’avis du Maamar Mordehai[22] (Siman 489 alinéa 25).
Nous avons face à nous une discussion assez difficile à trancher car chacun des avis est accompagné par beaucoup de Gdolim.
Nous avons entre autre, l’avis du Rav Eliashiv et de Maran Harav Ovadia Yossef Zatsal, lesquels pensent que cet officiant ne pourra pas se comporter de la sorte car il ne peut rendre quitte une autre personne.
Pour ce qui est de la Halakha, nous suivrons la généralité de Safek Berakhot Léakél.
Un avis pour créer un Sfeik Sfeika
Il y a un Hakham dans notre génération qui rapporta l’avis du Ritz Guéath (lois sur le compte du Omer). Il nous enseigne qu’une personne ayant omis un jour, doit dire : « hier nous étions tel jour, et aujourd’hui tel jour » et si elle n’a pas compté deux jours, elle dira « avant-hier nous étions tel jour, hier tel jour et aujourd’hui tel jour ». Cet avis est intéressant car on pourra s’y tenir étant donné que nous avons l’avis de la plupart des Richonim pensant que chaque jour est une Mitsva à part entière. Et donc, ce serait considéré comme un Sfeik Sfeika[23]. Cependant, le Biour Halakha (Siman 489, Halakha 8 alinéa Soffer) écrit qu’aucun des Poskim apporta un tel Hidoush. On ne pourra donc aucunement s’appuyer sur cela, car on ne peut pas associer au Sfeik Sfeika un avis unique.
Conclusion. La Halakha est donc tranchée de la manière suivante : dans le cas où l’officiant se souvient avoir omis de compter un jour, il ne pourra pas rendre quittes les fidèles. Il demandera alors, à une autre personne de compter.
Le deuil sur la Torah
Le traité Yevamot rapporte un enseignement de Rabbi Akiva disant, qu’un homme devra étudier la Torah, autant dans sa jeunesse que dans sa vieillesse. De même, un homme devra autant avoir des élèves dans sa jeunesse que dans sa vieillesse, comme nous l’apprend le verset[24] : « Dès le matin fais tes semailles, et le soir encore ne laisse pas chômer ta main, car tu ignores où sera la suite, ici ou là, et peut-être y aura-t-il succès des deux côtés ».
Rabbi Akiva avait 24.000 élèves et tous sont Niftarim entre Pessah et Chavouot, car ils ne tenaient pas assez de Kavot entre eux. À la suite de leurs décès, le monde était vide de Torah, jusqu’à que Rabbi Akiva se rende chez nos maitres dans le Sud, et leurs enseigna. Ils étaient 5 élèves : Rabbi Méir, Rabbi Yehouda, Rabbi Yossi, Rabbi Chimon et Rabbi Elazar ben Chamoua. Ils remontèrent à eux-seuls la Torah.
Essayons de nous imaginer quelques instant, 24000 élèves, chaque jour environ 800 enterrements !!! Sur une telle souffrance on ne peut se suffire de simplement 12 mois de deuil. Les coutumes de deuil nous les accomplissons depuis 1900 ans : on ne se rase pas, on ne se marie pas et on n’écoute pas de musique, car ce deuil est sur la perte de la Torah. Si 5 élèves ont influé une telle abondance de Torah, que nous connaissons aujourd’hui, qu’en était-il avant le décès de ces 24.000 élèves ! Combien de Torah avons-nous perdu !
Nous pouvons voir de la force morale de Rabbi Akiva, car il ne baissa pas les bras, mais continua à enseigner, depuis le départ. Cette force lui vint par l’amour qu’il avait pour la Torah.
Jusqu’au 33 ou 34 ?
Il existe un Midrash nous apprenant que les élèves de Rabbi Akiva périrent jusqu’à 15 jours avant Chavouot, c’est-à-dire jusqu’au 34ème jour du Omer. C’est pour cela, que l’on ne pourra se raser que le 34ème jour du Omer au matin, suivant la règle de Miksat Hayom Kékoulo (une moitié de journée est considérée comme la journée entière[25]). Tel est l’avis du Choulhan Aroukh[26]. Alors que selon le Rama, ils périrent jusqu’au 33ème jour du Omer. Ainsi, les Ashkenazim peuvent se raser depuis le 33ème jour du Omer. Ils peuvent aussi se marier depuis ce jour. Ils ajoutent aussi, que ce jour-là est aussi la Hilloula de Rabbi Chimon Bar Yohaï, et que l’on peut être plus souple.
Certains pensent qu’à Lag Baomer, c’est le jour du décès de Rabbi Chimon Bar Yohaï. D’autres pensent que ce jour-là, le Zohar vit le jour. D’autres encore pensent que ce jour-là, Rabbi Akiva chargea l’enseignement à ses élèves. Quoi que cela puisse être, ce jour-là est un jour durant lequel nous avons le droit d’écouter la musique, même avec des instruments musicaux. Cette autorisation continue même le soir, car même si Lag Baomer est terminé, étant donné que nos sages permirent dans la journée, la permission continue. Le lendemain ce sera de toutes les manières permis, car ce sera le 34ème jour du Omer.
[1] C’est comme si elle-même disait, et donc ce à quoi la personne se rend quitte, prend le statut d’une parole.
[2] Il est rapporté dans le Responsa Rav Pé’alim (Vol.3 Orah Haim Siman 32) que le fait de continuer à compter permet de considérer que la personne accomplit quand bien même la Mitsva, même si celle-ci n’est pas complète (comme nous le savons, la Torah explique bien, que le compte des 49 jours doit-être complet « Témimot »). Nous appelons cela ‘Hatsi Chi’our. En revanche, concernant le Omer, ce n’est pas comparable. En effet, le fait de continuer à compter les jours suivants, permet de suivre l’avis de la plupart des Richonim, lesquels sont d’avis que chaque jour est une Mitsva à part entière et non, comme le Bahag (affirmant que le compte des 49 jours forme une seule et unique Mitsva), comme nous l’avons développé dans le cours précédent. De plus, le terme Hatsi Chiour définit uniquement les cas concernant les matières, comme la Matsa par exemple. En revanche, lorsque le cas porte sur la personne elle-même, comme pour le compte du Omer, ce principe ne s’applique pas. Ainsi, le fait de continuer à compter sans Berakha, se base uniquement sur le fait que nous suivons l’avis de la plupart des Rishonim, comme les Tossafot, qui estiment que chaque jour est une Mitsva. Le fait de ne pas réciter la Berakha ne remet pas en cause la Mitsva.
[3] Vol.1 Siman 329
[4] Siman 571
[5] 66a
[6] 71a
[7] Fin du traité Pessahim
[8] Sefer Hamakhri’a Siman 29
[9] Siman 234
[10] Rapporté dans le Or Zaroua Siman 329
[11] Siman 645
[12] Siman 37
[13] Siman 489 Halakha 7
[14] Il faut savoir qu’une Mitsva accomplie sans Berakha est accomplie tel est l’avis du Rambam (Lois des Temidim et Moussafim Chap.7 Halakha 25).
[15] Vol.2 Siman 110 alinéa 117
[16] Lois du Omer Chap.11 Halakha 7
[17] Traité Méguila Chap.2 Halakha 3
[18] Traité Rosh Hachana 29a
[19] 2a
[20] Orah Haim Siman 29
[21] Cette appellation « Richon Letzion » a débuté par humilité. Le Richon Letzion Rabbi Moché Galanti, était le petit-fils de Maran Rabbi Yossef Karo (le Choulhan Aroukh) et du Ari Za’l. A l’époque, ils voulurent le nommer ”le Grand Rabbin”, mais il a refusé : avant, l’appellation honorable pour celui qui occupait cette place était « ‘Hakham Bachi ». Ils ont fait alors un commun accord, de ne pas le nommer par cette appellation mais plutôt par « le premier civil », plus communément appelé Richon Letzion.
[22] Son nom est Rabbi Mordehai Karmi, qui vivait à la même époque que le Hida. Celui qui a une question sur le Choulhan Aroukh qu’il sache où chercher. Il était plus jeune que le Hida. Le Rav Mordehai Karmi apporta au Hida son livre afin qu’il lui donne une lettre d’approbation. Il lui donna. Lorsque le livre fut imprimé, le Hida remarqua que l’auteur le contredisait dans plusieurs endroits. Il s’énerva se sentant trahi, ne lui ayant fait remarquer cela avant de lui remettre son approbation (en réalité, il craignit que le Hida ne lui donne pas d’approbation à cause de cela).
[23] Peut-être que l’on doit trancher la Halakha comme la plupart des Richonim, lesquels pensent que chaque jour est une Mitsva à part entière et que dans le cas où la personne a omis un jour, elle pourra continuer à compter. Il se peut aussi que la Halakha suive l’avis du Ritz Guéath. Ainsi, nous nous trouvons face à deux doutes Halakhiques : dans ce cas, nous pourrions dans l’absolu rendre quitte une tierce personne, même si nous avons omis un jour, car dans un cas où deux doutes se succèdent, la bénédiction pourra être récitée. Comme cela est rapporté dans le Choulhan Aroukh (Siman 489 Halakha 7-8) au nom du Troumath Hadéshéne (Siman 37). Attention chaque cas est différent et uniquement un Rav compétent pourra répondre à d’autres cas de ce genre.
[24] Kohelet 11, 6
[25] Cette règle est dite que dans certains cas spécifiques. Comme dans celui-ci.
[26] Siman 493 Halakha 2