La suprématie de la pensée: l’homme se trouve là où ses pensées se dirigent
Pourquoi nos Sages ont enseigné que les mauvaises pensées sont pires que la faute même ? Et comment remédier à une pensée interdite ?
Le sentiment commun est que la réparation d’une faute est plus difficile que celle d’une pensée. Néanmoins nos sages de mémoire bénie ont établie dans le traîté de Yoma (page29,2) « les pensées interdites sont plus pénible que la faute même ». Effectivement cela demande à être expliquer; comment se fait-il que des pensées interdites qui n’ont pas abouti à la faute sont plus graves que celui qui aurait failli par la faute même ?
Si nous sommes attentifs au langage de nos Sages ça n’est pas complexe. Ils n’ont pas dit « les pensées interdites sont pire que la faute » mais seulement « plus pénible que la faute ». Quelle est la différence entre un tronc solide et un trognon tendre ? Le dernier est simple à déraciner et à briser alors que le premier est plus ardu d’y parvenir. Nos Sages ne s’intéressent pas à la gravite et à la punition, seulement au résultat et au dommage.
Bien entendu que l’acte est plus grave que la pensée en revanche les dégâts, les épreuves, ainsi que la détresse causés par la pensée à l’homme est bien plus pénible. Une faute effectuée physiquement est limitée avec un début et une fin, tandis que les pensées interditess’attachent à l’homme sans fin. C’est tellement pénible de les faire disparaître, qu’elles entraînent l’homme dans un univers, qu’il n’a aucune chance d’y accéder un jour et auquel il tient non plus à connaitre. En outre même s’il y parvient, il découvrirait le fossé qu’il y a entre le plaisir lié à la faute et son fantasme. [Et on peut renchérir que la Guemara a été pointilleuse lorsqu’elle a déclaré « les pensées interdites », au pluriel, ce qui veut dire des pensées redondantes sont « plus pénibles qu’une faute » unique. Lorsqu’un homme est pris dans les pensées interdites sa lutte est plus pénible que pour un homme qui a transgressé une seule faute, mais il n’est pas question d’une unique pensée qu’il a immédiatement annulée.
Il est transmis au nom du Baal Chem Tov, que l’homme se trouve là ou vont ses pensées. Le Rav zamir Cohen illustre ainsi : imaginons un rescapé de la Shoa qui est parvenu à monter en Israël et son petit-fils se marie cette nuit à Jérusalem. La foule est en liesse seulement lui est assis à la table d’honneur plongé dans son chagrin. Il se remémore son passédans les camps de la mort. Les souvenirs resurgissent et il tremble de tout son corps. Où cet homme se trouve il véritablement ? A un heureux mariage à Jérusalem ou à Auschwitz ? A Auschwitz. Certes son corps est bien là mais lui-même ne l’est pas. En revanche quelqu’un qui croupirait derrière les barreaux mais se projetterait sur le bord de mer en train de se prélasser, il est vrai que son corps est prisé, cependant lui se trouve autre part là où sont ses pensées.
La pensée produit la réalité
L’aspiration ainsi que la pensée de faire du bien et de pratiquer de la générosité façonne le caractère de l’homme à être profondément bon et généreux. En conséquence on remarquera qu’une personne ne respectant pas ses parents ou ne préservant pas son regard s’améliore lorsqu’elle apprend les lois du respect des parents ou celles concernant la vue. Et cela hormis la lumière se trouvant dans la Torah qui éclaire son âme et la corrige.
A l’inverse celui qui pense à la faute y est empêtré et le désir s’installe en lui jusqu’à faire partie intégrante de sa personnalité, malgré qu’il se retienne de fauter concrètement.
C’est effectivement complique voire impossible de lutter contre ses pensées. La solution quasi unique est d’immédiatement détourner son esprit vers d’autres horizons, l’idéal serait des sujets de Torah. La raison est simple : c’est impossible de penser à deux choses en même temps, ainsi lorsqu’il se concentre sur du positif il ne lui reste plus d’espace pour des pensées interdites. Ce conseil est tellement efficace que le Rambam l’a même codifié dans son œuvre de halakha Michne Torah (chapitre 21 Hilkhot Issourei Bia halakha 19).
Néanmoins cette façon de procéder diffère de celle de s’écarter d’autres fautes. Si concernant les autres fautes la manière de se corriger consiste à se remémorer leurs nocivités. Là concernant les pensées, il faut au contraire s’en éloigner au maximum.