Le juste a volé du pain pour sauver sa vie, il s’en est voulu jusqu’à la fin de ses jours
Le parent par alliance du Rav Elyashiv zatsa”l, le Rav Mordehai Rimmer, a laissé un testament original à ses enfants, dont les racines remontent à l’histoire qu’il a vécu pendant la Shoah
“… il restituera la chose ravie, ou détenue par lui…” (Vaykra 5, 23)
Le Rav Modehai Rimer directeur spirituel de la Yechiva de Tchebin à Jérusalem et parent par alliance du Rav Elyachiv zatsa”l, a, peu avant son décès, appelé tous les membres de sa famille.
« Sachez » a dit le Rav à ses proches « pour tout ce qui concerne les relations entre l’homme et son prochain, il faut veiller à ne pas faire des choses qui puissent faire rentrer leur auteur dans des doutes. Cela fait plus de cinquante ans que j’ai fait un acte qui me dérange jusqu’à l’instant présent. C’est pour cela que je vous propose de faire attention pour ne pas en arriver au même état ».
Qu’est ce qui dérangeait tellement le Rav Rimer ?
L’histoire a été racontée par le fils du défunt, Rav Binyamin Rimer.
A la libération des camps d’extermination, les alliés ont découvert des centaines de milliers de personnes qui souffraient d’une faim intense, n’ayant pas mangé un repas correct pendant plusieurs années.
« Moi aussi », a raconté le Rav Rimer à ses enfants, « je marchais mourant de faim dans le camp, et de plus je souffrais du typhus. Il fallait absolument que je mange, au risque de mourir. Soudain, j’ai vu un juif, qui s’approchait de moi avec quatre miches de pain entre ses mains. Je savais que si je lui demandais un pain, il refuserait, et c’est pourquoi j’ai rusé afin que les miches tombent à terre. J’en ai saisi une et je me suis enfui. »
Déjà alors le Rav Rimer savait qu’il avait non seulement sauvé sa propre vie mais également celle du porteur des pains. De très nombreuses personnes allaient mourir à cause de l’apport calorique abondant et soudain pour leurs estomacs habitués à des rations minables. Selon les historiens il y’eut plus de morts du fait de l’alimentation abondante que des suites de la faim, à la libération des camps.
Malgré tout, pendant toute sa vie, le Rav Rimer a cherché ce juif pour lui rembourser le prix du pain, sans succès. Même après avoir réussi à quitter le ghetto, il a investi des efforts considérables pour retrouver l’homme qui lui avait sauvé la vie. Des dizaines d’années plus tard et les milliers d’élèves qu’il a instruit n’ont pas atténué la peine qu’il éprouvait de ne pas avoir réussi à restituer le prix du pain.
Lorsque le Rav Elyashiv est venu rendre une visite de condoléances dans la maison de la famille, son gendre Rav Binyamin Rimer, lui a exposé l’histoire en lui demandant s’il fallait -comme il est dit au sujet d’un voleur qui ne connaît pas l’identité du lésé- offrir la somme correspondante à une institution publique dans l’espoir que l’homme des pains ou ses descendants en profitent.
Le Rav Elyachiv a balayé cette idée en indiquant qu’il est permis en cas de danger pour une vie de prendre de la nourriture appartenant à un autre, comme c’est rapporté dans le Talmud (Yoma 83b) « Rabbi Yehouda pris par la maladie, a privé un berger de son pain ». Dans le cas présent, le pain a sauvé non seulement la vie de Rav Mordehai mais aussi celle de l’homme qui portait les vivres. Il n’y a donc pas d’interdiction de vol. Le prix du pain a un statut de prêt, et lorsqu’il est impossible de retrouver le prêteur on est quitte.
Ce qu’il faut retenir de cette histoire, ce sont las paroles du défunt à ses proches : ne pas se retrouver avec le moindre doute dans sujets qui touchent aux relations entre les humains.