Se libérer du regard des autres
Comment se positionner par rapport au regard des autres ? Faut-il nécessairement en tenir compte ou au contraire, l’occulter intégralement ?
Nous vivons dans une génération au sein de laquelle la valeur d’une chose est consécutive à son prix. La logique est alors simple : plus un produit est cher, plus il a de la valeur. Par exemple, si un tableau d’un peintre est onéreux, cela semble signifier qu’il s’agit indubitablement d’un artiste hors pair.
Nos sages enseignent qu’à l’échelle de l’homme, l’indicateur de ‘sa valeur’ correspond à la quantité d’honneur qui lui est manifestée. Plus un individu reçoit des honneurs, plus celui-ci est important. L’importance d’un homme est donc tributaire du regard de l’autre. Le Saba de Slovodka ajoute même que si l’on parvenait à ôter de l’humain toute trace d’honneur, il mourrait. Il en résulte donc que non seulement le regard des autres exerce sur l’homme une importance capitale, mais que recevoir des honneurs est un besoin primaire et compréhensible de l’homme.
Cependant, chez certains individus, cette recherche des honneurs dévie vers une course effrénée et malsaine. « Il faut se vêtir de telle ou telle façon » ou encore « il faut avoir tel ou tel bien pour recevoir les honneurs de ses pairs ». Cette recherche des honneurs et de l’estime des autres touche également la Avodat Achem : « il faut que la réception de la Bar Mitsva soit de haut standing, quitte à en faire trop », « il faut que les danses soient mélangées afin de ne pas paraitre archaïque ».
La recherche du respect et des honneurs, pourtant naturelle, aboutit à une forme d’abdication au regard de l’autre. De plus, au long terme, cette recherche aboutit nécessairement à un honneur purement fictif et sans assises solides.
Le vrai honneur, c’est cultiver son propre honneur. Dans l’exercice du service divin, c’est pratiquer les Mitsvot sans chercher l’approbation de son entourage. C’est même parfois dépasser les remarques désobligeantes. C’est oser vivre dans un milieu qui nous convient en fonction de nos valeurs et convictions profondes. C’est décider d’être, et non d’exister. C’est réveiller et révéler son âme qui croule sous les ‘qu’en dira-t-on’.
Nos sages enseignent cependant que le regard des autres est bénéfique lorsqu’il réfrène nos mauvais comportements. C’est à cela que la Mishna (Avot 2,1) fait allusion lorsqu’elle enseigne que pour ne pas fauter, l’homme doit avoir conscience qu’un regard divin est sans cesse posé sur lui.
D’après les enseignements du Rav Eliahou Uzan, mis à l’écrit par Nina Sahel.